Newsletter 17

Motion de censure, démocratie en crise : Les Voies décrypte exceptionnellement l'actualité française.

Les Voies
6 min ⋅ 06/12/2024

Edito de la Présidente des Voies

Chers membres des Voies, chers amis, 

Cette semaine, notre regard habituellement tourné vers l’Europe se concentre sur la France. L’instabilité budgétaire et politique que traverse notre pays est exceptionnelle par son ampleur, mais elle rappelle combien l’engagement est crucial, surtout en période de turbulence.

Nous assistons à un événement rare, le deuxième seulement de l’histoire de la Vème République. C’est presque comme si l’ombre de Pompidou et du Général de Gaulle planait à nouveau sur l’Assemblée nationale. Mais derrière cet épisode exceptionnel se cache une question bien plus profonde : comment restaurer la confiance dans une démocratie dont les institutions vacillent et où les extrêmes gagnent du terrain ?

L’heure est à la réflexion – et, espérons-le, à l’action constructive. Au sein des Voies, nous croyons qu’il est possible de dépasser les crises en agissant autrement : ni spectateurs critiques, ni pompiers pyromanes, nous voulons être une force de proposition. Nos réflexions ne se limitent pas à alerter sur les dérives démocratiques ou économiques : elles visent à construire des solutions pragmatiques, justes et progressistes, capables de répondre aux attentes des citoyens.

Et puisque nous parlons d’action, voici une nouvelle qui nous réjouit particulièrement : il sera bientôt possible de devenir membre des Voies. Rejoindre notre mouvement, c’est choisir d'emprunter des voies nouvelles, de participer à un projet collectif pour 2025, et d’être au cœur des solutions que nous voulons porter pour la France et l’Europe.

Alors, en ces temps de tumulte politique, rappelons une chose : la politique n’est pas qu’une série de crises à gérer ou d’échecs à observer. C’est aussi, et surtout, l’art d’imaginer, de bâtir et de projeter un futur commun. À nous de montrer que ce futur peut être progressiste, inclusif et durable.

Amandine Rogeon

Ici, c’est Paris

Chauvinisme oblige, détour par notre capitale européenne préférée en trois questions. 

Censure ? Souvent discutée sans être adoptée, la motion de censure est devenue un rituel saisonnier à l’Assemblée nationale, notamment dans le cadre des discussions budgétaires, en raison d’un mécanisme institutionnel permettant à un gouvernement de “forcer la main” aux parlementaires pour faire adopter un texte (et oui… le fameux 49 alinéa 3). En contrepartie, les parlementaires peuvent décider de “censurer” ledit gouvernement, qui doit donc démissionner. Ce qui ne se produit, en pratique, jamais. 

La seule occurrence dans l’histoire de la cinquième République remonte à 1962 sous le Gouvernement de Georges Pompidou, dans un contexte de guerre en Algérie, et peu après l’attentat du Petit Clamart, qui avait failli coûter la vie au Général de Gaulle - dans un contexte très différent. A noter qu’à l’époque, le Président avait fait le choix de déclencher de nouvelles élections législatives, et de réinstaller Pompidou à Matignon. On s’en doute, il n’y a pas vraiment de chance que l’histoire se répète dans le cas du duo Macron/Barnier. 

Qui vote avec qui ? Si chaque tiers de l’Assemblée nationale se défend de travailler avec les autres, il faut tout de même reconnaître que les dernières semaines ont manqué de clarté. On rembobine : face à la difficulté de négocier avec les groupes issues du Nouveau Front Populaire, en raison de différences programmatiques trop importantes, Michel Barnier avait tenté de faire quelques concessions au Rassemblement National - mais visiblement pas assez selon le parti à la flamme. Et si le NFP comme le RN affichent une détestation cordiale, c’est ensemble qu’ils ont voté une motion de censure initialement déposée par le NFP. Au final, ont voté la censure : le Rassemblement National, l’Union des Droites (groupe d’Eric Ciotti), ainsi que l’ensemble du Nouveau Front Populaire. A noter, par ailleurs, que la France Insoumise appelle à une démission ou une destitution d’Emmanuel Macron, faisant écho à certaines propositions du RN.

Quelles conséquences ? Et bien, à court terme, assez peu. Lors de son allocution du 5 décembre, le Président de la République a indiqué, d’une part, qu'il ne démissionnerait pas, et que Michel Barnier et son Gouvernement démissionnaire assureraient les affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier Ministre dans les prochains jours. Une loi de finances spéciale serait en préparation pour adoption dans les prochains jours, afin de garantir que la France disposera bien d’un budget opérant.

Si la stabilité générale de la France semble être assurée, la censure pourrait bien être une nouvelle étape dans la croissance du désamour, souvent réciproque, entre citoyens, monde politique, et élus - et donc un boulevard pour les extrêmes en 2027.

Du point de vue des Etats

En parlant de budget et de stabilité des démocraties, les Voies se permettent de manière exceptionnelle un petit détour par la Corée du Sud. En effet, face à une situation de blocage des négociations budgétaires au Parlement, le Président Yoon a proclamé, de façon unilatérale, l’instauration de la loi martiale, prétextant une menace nord-coréenne incarnée par les députés de l’opposition démocrates qui sont actuellement majoritaires au Parlement. Cette interlude aura été de courte durée, en raison de manifestations massives à Séoul et d’un vote contre cette mesure du Parlement (à l’unanimité des parlementaires présents dans l'hémicycle et de tous les bords). Le Président, dont la réputation est déjà entachée par des scandales de corruption, devrait faire l’objet d’une procédure de destitution.

Les événements de Séoul représentent une attaque grave aux principes démocratique et, pour certains, une raison de relativiser l’incertitude causée par la censure du Gouvernement Barnier. 

Mais revenons-en à la Russie - sans laquelle cette newsletter ne serait pas complète. Ou plutôt, à sa guerre hybride, c'est-à-dire aux manœuvres mises en place pour déstabiliser les alliés de l’Ukraine. Et il faut dire que les dernières semaines ont été riches en évènements : probable sabotage de câbles sous-marins en mer Baltique, suspicions de cyberattaques en continu… et une accélération a priori de leur tristement célèbre stratégie d'immixtion dans les élections nationales. 

A travers la Géorgie, les violences policières contrôlées par le nouveau Premier Ministre pro-russe se multiplient, alors que la population continue sa mobilisation afin de réclamer la tenue de nouvelles élections. 

Le phénomène s’est étendu à la Roumanie, avec la surprise créée au premier tour des élections présidentielles par le candidat pro-russe (surprise) Călin Georgescu. Inconnu au bataillon il y a à peine quelques mois, il s’est hissé en tête du scrutin devant la candidate pro-européenne Elena Lasconi. Selon les experts, cette victoire surprise en première manche se fonde sur des campagnes menées via la plateforme Tik-Tok, sommée de s’expliquer à Bruxelles cette semaine. Ce jour, en amont du deuxième tour initialement prévu à dimanche, la Cour Constitutionnelle Roumaine a invalidé le premier tour des élections, marquant donc le recommencement de l’intégralité du processus électoral.  

A noter également que des élections législatives ont eu lieu la semaine dernière en Roumanie, qui ont également vu l’extrême droite faire une percée impressionnante en termes de résultats. Les partis traditionnels ont commencé des discussions de coalition, afin de tenter d’endiguer le phénomène. 

Autres élections avec, heureusement moins de rebondissements en Irlande le 29 novembre dernier, qui déboucheront certainement sur une coalition entre Fianna Fáil et Fine Gael, deux partis du centre droit, qui devront négocier soit avec les sociaux-démocrates, soit avec les travaillistes afin d’obtenir la majorité nécessaire. On note que Sinn Féin, historiquement l’émanation politique de l’IRA, confirme sa position de principale force d’opposition, arrivant deuxième dans les scrutins. 

Et enfin, en Islande, une petite (et bonne) surprise le week-end dernier avec une percée de divers partis europhiles. De quoi relancer un projet d’adhésion, stoppé en 2015 ?

Du côté de Bruxelles

Censure (bis) - la pression monte sur la zone euro en raison de la censure du Gouvernement Barnier, qui s’ajoute aux autres instabilités dans les Etats-Membres. Par ailleurs, on s’en souvient, la Commission avait fait monter la pression vis-à-vis de la France concernant le poids de sa dette et soulignant son manque de rigueur budgétaire. Fin novembre, Bruxelles avait accueilli positivement le projet de budget Barnier - il y a donc fort à parier que les institutions porteront une attention toute particulière au déroulé des prochaines semaines à Paris. 

Censure (ter) et Mercosur ? Serpent de mer des relations entre l’Union européenne et le Marché Commun du Sud (Mercosur), l’accord de libre échange entre les deux blocs a été adopté aujourd’hui à l’occasion d’un sommet en Uruguay, quand bien même le projet ne fait pas l’unanimité en Europe - et particulièrement en France. En effet, le projet de traité a été rejeté à l’unanimité par les députés français fin novembre, à l’exception notable de la France insoumise. Si ce rejet n’était certes que symbolique, il devait être utilisé par le Gouvernement français afin de bloquer les dernières étapes avant l’adoption du texte. Dans un contexte de fragilisation de la France sur le plan politique, et alors de nombreux Etats-Membres estimant qu’il y a urgence à nouer de nouveaux accords commerciaux avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, la Commission Européenne n’a pas interrompu sa lancée. Cet après-midi, Paris a indiqué que l’accord ne liait que la Commission, et pas les États-Membres. La partie n’est donc pas terminée.  

Une bonne nouvelle, quand même : l’Eurobaromètre d’automne indique que plus de la moitié des répondants a “plutôt confiance” dans l’Union européenne - un score qui n’avait jamais été atteint depuis 2007. Si la France est à la traîne, avec seulement 35% des français déclarant avoir confiance dans l’Union, les chiffres sont bien meilleurs au Portugal, Danemark et en Lituanie où plus de deux tiers des répondants font le choix de la confiance. Fait intéressant, et inquiétant, seul un tiers des européens indique avoir confiance dans leur gouvernement national. 

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Cette semaine, nous vous avons concocté une interview avec Yann Wehrling, à la tête du parti Écologie Positive, et qui a bien voulu nous présenter sa vision pour une “écologie des solutions”.

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A propos

Les Voies est un mouvement progressiste citoyen fondé au printemps 2024 par Amandine Rogeon et Alexandra Laffitte. Dans un contexte politique de plus en plus incertain, Les Voies ambitionne d’insuffler un vent idéologique et programmatique nouveau grâce à une méthode innovante : la clause de la Nation la plus favorisée appliquée aux politiques publiques les plus progressistes adoptées par les Etats membres de l’Union européenne.


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