Tous les mois, le mouvement Les Voies revient sur les événements qui font l’actualité à travers le continent européen.
Chers lecteurs,
Alors que l’Europe traverse un moment de grande fragilité démocratique (vous allez longuement en prendre connaissance dans la présente newsletter), l’année 2026 s’annonce décisive pour notre mouvement. Nous avons choisi de la consacrer à ce qui fonde le cœur du projet des Voies, à savoir redonner de l’espoir aux Français en élevant le débat public (rien que ça), grâce à un programme digne de ce nom que nous concoctons et qui doit nourrir les futurs candidats progressistes de la présidentielle de 2027.
C’est dans cet esprit que nous structurons notre travail autour de quatre grands piliers, qui guideront toute notre année 2026.
Vivre dignement. Parce que trouver des solutions aux sujets tels que le coût de la vie, le logement et les inégalités, comme enjeux de dignité, c’est refuser le fatalisme qui voudrait que certains s’habituent à vivre mal. Nous ferons de cette bataille pour la dignité une priorité absolue, en nous appuyant sur les meilleures pratiques européennes pour concilier pouvoir d’achat, logement accessible et cohésion sociale.
Une République qui protège. Nous voulons redonner à l’État sa fonction première pour protéger la santé, garantir la sécurité et assurer l’inclusion de tous les Français. Dans une époque d’incertitude, cette protection est le socle de la confiance collective. Elle suppose de repenser la prévention, la proximité, et la responsabilité.
La Justice au cœur de l’action publique. Notre démocratie ne tiendra que si son État de droit reste vivant, respecté et compris. Dans un monde où tant de pays européens cherchent à le restaurer après l’avoir laissé reculer, la France doit remettre la justice au cœur de l’action publique en défendant l’indépendance des juges, la liberté des journalistes, la protection des lanceurs d’alerte, tout ce qui fait encore tenir nos démocraties.
Préparer notre avenir. Enfin, préparer notre avenir, c’est renouer avec le sens du progrès. Le travail, la prospérité, la transition écologique et l’intégration européenne forment un même horizon. À condition de les penser ensemble.
Ces quatre piliers forment une méthode. En 2026, nous irons à la rencontre de celles et ceux qui font déjà vivre le progrès dans leurs territoires, pour bâtir, ensemble, la démonstration que la France peut encore avancer.
Amandine Rogeon
Octobre aura été un mois assez déprimant à suivre. Nous ne reviendrons pas sur les incursions de drônes dans l’espace aérien européen, si ce n’est pour rappeler à nos lecteurs qu’ils se poursuivent - l’aéroport de Bruxelles ayant par exemple été bloqué pendant quelques heures la semaine dernière. Nous ne reviendrons pas non plus sur ce que nous savons déjà : la Hongrie sape activement l’Union européenne, en bloquant sanctions, processus d’adhésions, et, on s’en doutait, mais c’est maintenant prouvé, en espionnant plusieurs membres des institutions européennes, par exemple en mettant sous écoute, entre 2015 et 2017, des enquêteurs de l’agence anti-fraude de l’Union dans le cadre d’une enquête pour détournements de fonds impliquant le gendre de Viktor Orban.
Alors, après notre inventaire habituel, mais important, des bascules politiques du mois à travers le continent, nous nous pencherons sur une question assez fondamentale : comment est-ce qu’un pays peut se remettre d’une période sous gouvernement populiste, et réparer les dégâts infligés à l’État de droit ? La Pologne, engagée dans cette démarche, offre d’intéressantes pistes - qui semblent toutefois déboucher sur une inéluctable impasse.
En Lettonie, dans un contexte de montée de l’extrême droite, les Parlementaires ont voté à une très large majorité la sortie du pays de la Convention d’Istanbul, un traité visant à permettre la lutte contre les violences faites aux femmes, arguant que ce traité faisait la promotion de « l’idéologie de genre », et relevait d’un féminisme extrémiste. La nouvelle a suscité l’émoi à travers le pays, déclenchant des manifestations réunissant plus de 10 000 personnes à Riga cette semaine selon la police - un nombre important, pour ce pays d’un peu moins de deux millions d’habitants.
Le Président letton, Edgars Rinkēvičs, a de son côté annoncé qu’il ne ratifiera pas dans l’immédiat la décision des députés, renvoyant le texte au Parlement pour un nouvel examen. Cependant, contrairement à d’autres chefs d’Etat (comme le Président de la République Fédérale d’Allemagne), il ne dispose pas d’un droit de veto qui lui permettrait de refuser tout bonnement le retrait de cette Convention. Rinkēvičs appelle donc à suspendre cette décision jusqu’aux prochaines élections, prévues pour octobre 2026.
En Tchéquie, les populistes vainqueurs des dernières législatives du parti ANO, les nationalistes du SPD ainsi que le parti des Automobilistes ont conclu la semaine dernière un accord de coalition, actant ainsi leur volonté commune de diriger le pays dans les prochaines années, autour de propositions hautement critiquables, telles que la volonté affichée de faire reculer la société civile pour la faire « sortir de l’environnement politique » - comprendre, museler les oppositions.
Au programme également, une volonté de relancer les relations entre les membres du groupe de Visegrád, une initiative rassemblant traditionnellement la Tchéquie, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie autour d’idées eurosceptiques et conservatrices - mais qui tournait au ralenti ces dernières années, du fait du recul (relatif) des forces eurosceptiques en Pologne et en Tchéquie. L’idée est loin d’être anodine : ces pays forment une grande partie de la frontière entre l’Union européenne, l’Ukraine, le Belarus et la Russie, mais également une partie significative de la puissance militaire et industrielle de l’Union. Si, et nous y reviendrons, la position de la Pologne est loin d’être acquise, il convient de noter que cet accord de coalition, s’il perdurait, viendrait renforcer les extrêmes-populistes Orban en Hongrie, et Fico en Slovaquie dans leur volonté commune affichée de bloquer l’Union européenne de l’intérieur.
Sur le plan électoral, l'Irlande s’est dotée au 29 octobre, et dès le premier tour des élections, d’une nouvelle Présidente de la République, l’indépendante Catherine Connolly, à la tête d’une sorte d’union des gauches. Progressiste sur le plan interne, soutenant les droits des femmes dans un pays où l’avortement est encore extrêmement restreint, elle milite en faveur de la réunification du pays et la promotion de sa langue. Sur le plan international, les choses se gâtent : si elle s’affirme comme « pro-européenne », elle défend une vision non-alignée en matière politique, condamnant par exemple au même titre l’OTAN et la Russie comme co-responsables de l’invasion de l’Ukraine, et, en 2016, s’était félicitée des résultats du référendum sur le Brexit.
Aux Pays-Bas, les élections parlementaires se sont en revanche soldées par une bonne surprise, l’extrême droite du PVV étant détrônée pour cette fois par le parti libéral pro-européen D66, qui aura donc la tâche de construire une majorité parlementaire à même de gouverner le pays et, nous l’espérons, l’aider à sortir d’une manière durable de la crise institutionnelle de ces dernières années. La tâche sera ardue, car seulement 28 000 voix ont séparé libéraux et populistes, et le Parlement est particulièrement fragmenté.
Le mois dernier, nous vous faisons part dans cette newsletter de l’importance cruciale de travailler à la sauvegarde et à l’entretien de la Démocratie au quotidien. Pour le mois de novembre, nous nous attaquons à la question centrale de l’État de droit - une notion dévoyée, instrumentalisée dans le débat public, mais absolument essentielle pour défendre tout idéal démocratique et progressiste.
Alors, tout d’abord, qu’est-ce que l’État de droit ? Et bien, tout simplement, la notion selon laquelle la puissance publique ne peut pas faire n’importe quoi. Son action est guidée, et limitée, par des règles supérieures, et quelques principes fondamentaux.
Le premier est celui de la hiérarchie des normes : le principe, selon lequel, on ne peut aller à l’encontre de certaines normes supérieures, comme par exemple les Droits de l’Homme. Ainsi, une municipalité, même élue de manière légale et soutenue par ses citoyens, ne pourrait mettre en place un droit contraire aux lois nationales, européennes, ou encore à la Constitution. Un arrêté municipal visant à exproprier l’ensemble des propriétaires d’une commune serait une atteinte manifeste au droit à la propriété, protégé de manière constitutionnelle. De même, il arrive régulièrement que la France se fasse condamner par des instances internationales, comme la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), car son droit carcéral méconnaît le principe de la dignité humaine. Et dans ce cas, quand bien même elle a été votée par un Parlement français démocratiquement élu, une loi ne peut aller à l’encontre de quelques principes de base.
Le second est celui de l’égalité devant la loi : que l’on soit citoyen ou administration, entreprise ou encore maire d’une commune, la loi s’applique à tout le monde. Elle doit être bien sûr adaptée à certaines réalités - on ne peut pas envoyer une entreprise en prison pour détournement de fonds, mais on peut y envoyer une personne, même un ancien Président de la République.
Et enfin, pour pouvoir s’appliquer, l’État de droit suppose l’indépendance de la justice : la capacité, pour un juge, de faire appliquer le droit sans craindre de représailles, comme par exemple une perte d’emploi, ou pire, une atteinte à sa personne. L’indépendance de la justice est une notion fondamentale, souvent torpillée par certaines forces politiques, comme par exemple lors de la condamnation en inéligibilité de Marine le Pen (rappelons-le, pour avoir détourné plusieurs millions d’euros) - et qui doit donc être protégée.
Mais dis moi Jamy, pourquoi est-ce que tu me parles de ça ? Parce qu’en France, et à travers le monde, cette notion est menacée. Elle fonctionne encore bien dans notre pays, et aux plus hauts niveaux, en témoignent la condamnation de Nicolas Sarkozy ou encore la censure du projet de loi sur l’immigration par le Conseil Constitutionnel en 2023 (qui prévoyait, rappelons le, des mesures telles que le retrait de l’aide médicale des demandeurs d’asile). Sur ces deux exemples, mais également pour tant d’autres, on assiste de manière répétée à une levée de boucliers de certaines forces politiques, critiquant une « République des juges », ou encore, indiquant que « l’État de droit ne saurait être un absolu ».
Pourtant, toute la pratique à travers l’Union européenne nous montre le contraire : l’État de droit doit être un absolu. Il doit, comme la démocratie, être protégé et défendu en tout temps. En témoigne le cas de la Pologne.
Entre 2015 et 2023, la Pologne a été gouvernée par le parti d’extrême droite PiS (dont le nom de traduit, ironiquement, par Droit et Justice), qui a, entre autres, travaillé de manière active à démanteler les fondamentaux de l’État de droit - notamment en plaçant le Conseil Judiciaire polonais, un organe chargé d’assurer l’indépendance de la justice, sous tutelle politique directe - permettant ainsi par exemple la nomination de près de 2 500 juges proches du pouvoir.
Lors de l’arrivée au pouvoir d’une coalition de centre-droit pro-européenne, la question de la restauration des trois piliers de l’État de droit s’est posée d’une manière immédiate, et a été l’objectif principal du nouveau ministre de la Justice, Adam Brodnar. Cependant, un retour statu quo pré-2015 apparaît rapidement comme inenvisageable, pour plusieurs raisons, et notamment la question de savoir ce qu’il allait advenir des 2 500 juges nouvellement nommés, ou encore comment renforcer le système pré-existant pour assurer une démocratie plus résiliente.
Si un projet de réforme allant dans ce sens a été proposé en octobre 2025, fruit également d’un dialogue nourri avec la Commission européenne, son chemin s’annonce ardu - si ce n’est impossible. En effet, et ainsi que nous vous en faisions le récit dans une précédente édition, la Pologne s’est récemment dotée d’un nouveau Président de la République issu du parti PiS, et qui a le pouvoir de bloquer toute réforme adoptée au Parlement, grâce à un veto présidentiel.
Au surplus, et quand bien même la Pologne réussirait à assurer une transition complète vers un État de droit fort, il convient de s’interroger sur la validité des décisions de justice rendues durant les huit années au pouvoir du PiS, et comment rétablir le lien de confiance entre les citoyens et la justice sur le plan social.
La conclusion qui doit s’imposer à nous, Français, est à la fois simple et naïve : la meilleure solution pour ne pas avoir à faire face à ce genre de problème, c’est encore de ne pas avoir à reculer vis-à-vis de notre État de droit - mieux encore, de continuer à le renforcer et le protéger - à la fois dans le débat public, mais également sur le plan de réformes institutionnelles en assurant la protection des juges, ou encore des lanceurs d’alerte par exemple.
En octobre, nous vous avons également rendu compte de notre voyage d’étude à Montpellier, où notre présidente a eu la chance de pouvoir s’entretenir avec le Maire Michaël Delafosse. Retrouvez ici son bilan, mais également sa vision passionnante de l’expression de la démocratie et de l’efficacité de l’action, au niveau local comme national.
Nous avons par ailleurs lancé officiellement notre première antenne en dehors de Paris ! Les Voies s’implante donc à Strasbourg, ville transfrontalière, capitale européenne, laboratoire d’idées territoriales. Si vous souhaitez rejoindre cette antenne, ou nous rejoindre tout court, écrivez nous à contact@lesvoies.fr !
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Les Voies est un mouvement progressiste citoyen fondé au printemps 2024 par Amandine Rogeon et Alexandra Laffitte. Dans un contexte politique de plus en plus incertain, Les Voies ambitionne d’insuffler un vent idéologique et programmatique nouveau grâce à une méthode innovante : la clause de la Nation la plus favorisée appliquée aux politiques publiques les plus progressistes adoptées par les États membres de l’Union européenne.