Les Voies

Deux fois par mois, le Mouvement Les Voies revient sur les évènements qui ont fait l’actualité à travers le continent européen.

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26 mai · 5 mn à lire
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Les Voies #3

Espionnage teinté d’extrême droite en Autriche, élections multiples en Roumanie, débat en France.

12 avril 2024

Du point de vue des Etats

Que savons nous des politiques nationales bulgares, estoniennes ou autrichiennes ? Toutes les deux semaines, focus sur les évolutions politiques des Etats-Membres, qui sous-tendent bien souvent les dynamiques européennes. 

Vienne - “un paradis pour les espions du monde entier” déclare cette semaine la ministre autrichienne de la Justice, dont le pays est actuellement secoué par une histoire qui semble venue des tréfonds de la guerre froide : celle d’Egisto Ott, ancien agent secret autrichien, qui aurait mis en place un système lucratif de vente d’informations sensibles aux russes. Dès 2017, Ott avait été remercié de ses fonctions sur la base d’alertes émises par des pays alliés au chef des services secrets autrichiens. Qu’à cela ne tienne, il avait pu reprendre du service au sein de la police dès 2018 avant d’être à nouveau suspendu en 2021. Durant sa prolifique carrière, Ott aura donc réussi à transmettre à Moscou des téléphones et ordinateurs de hauts fonctionnaires et confidents du Chancelier Karl Nehammer, mais également à dévoiler l’adresse de Christo Grozev, journaliste d’investigation qui avait participé aux révélations sur les méthodes d’empoisonnement au Novitchok de Skripal ou encore de Navalny. 

Comme dans tout bon roman d’espionnage, l’histoire ne s’arrête pas là. Ott ferait partie d’un groupe de personnes proche du parti d’extrême droite FPÖ, dirigé depuis Moscou par un autre autrichien nommé Jan Marsalek, à l’origine de l’une des plus grosses fraudes financières de l’histoire autrichienne récente. Si le format de cette newsletter ne permet pas de rentrer dans plus de détails, nous vous invitons chaudement à suivre cette saga dans les semaines à venir. La FPÖ était en effet l’un des partis au pouvoir entre 2017 et 2019, jusqu’au scandale du Ibiza-Gate qui avait révélé l’ouverture du vice-chancelier autrichien à la corruption russe, et les pronostics politiques actuels les donnent sans problème bons premiers des élections européennes, puis parlementaires prévues pour l’automne prochain. 

Roumanie - jamais trois sans quatre : alors que plus de la moitié de la population mondiale est appelée aux urnes en 2024, faisant de cette année une année record, la Roumanie ne fait pas les choses à moitié. En effet, les roumains seront appelés à se prononcer sur un renouveau complet de leur écosystème politique : tout d’abord, bien évidemment via les élections européennes de juin, mais également, le même jour pour renouveler les conseillers municipaux du pays. Après une pause estivale, les électeurs devront choisir un nouveau Président, avant de renouveler leur Parlement en décembre. Un emploi du temps politique chargé donc, marqué par une émergence accrue des partis et micro-partis d’extrêmes, sur un fond de conspirationnisme. La Roumanie étant, de tradition, très résistante à l’influence russe et ayant un positionnement stratégique unique du fait de son importante frontière avec l’Ukraine, ce cycle électoral est surveillé par l’ensemble des Etats-Membres avec la plus grande attention. 

L’armée allemande franchit une étape décisive : ce lundi 8 avril, un bataillon de l’armée allemande est arrivé à Vilnius, Lituanie, pour préparer l’arrivée et l’installation de près de 4 800 soldats à horizon 2027 - la première fois que l’armée allemande est détachée pour une durée longue à l’étranger depuis sa création en 1955, sous condition initiale de ne pouvoir agir que dans le cadre de l’OTAN, ou pour assurer sa défense intérieure. Après la réunification, l’armée allemande avait commencé à intervenir de manière ponctuelle à l’étranger dans le cadre de missions internationales de maintien de la paix, mais sans réellement investir ni dans son équipement, ni dans ses ressources humaines. Dans un contexte de guerre en Ukraine, l’Allemagne a entamé une politique d’accélération de son armement, dépassant pour la première fois l’objectif d’investissements de 2% du PIB qui lui avait été fixé par l’Otan en 2014. Une situation controversée Outre-Rhin, mais saluée à l’internationale. 

Fin du suspens en Slovaquie : Peter Pellegrini, proche de Robert Fico, premier ministre d’extrême-gauche pro russe, a été élu samedi 6 avril au poste de Président de la République - éteignant donc les espoirs d’une partie de la population de voir se mettre en place un régime de cohabitation. Combinés, les partis de Pellegrini et de Fico devraient obtenir un peu moins de 30% des voix au prochaines élections européennes. 

A 58 jours des élections

A l’avant veille des élections européennes (pensez à aller voter le 9 juin ou à déposer une demande de procuration sur https://maprocuration.gouv.fr) suivons les faits marquants de cette période électorale hors du commun. 

Débat RFI/France 24 pour les élections européennes : on croirait à une mauvaise habitude, Jordan Bardella a une nouvelle fois séché le débat du 10 avril réunissant les têtes des principales listes, préférant envoyer Fabrice Leggeri, l’ancien directeur de l’agence Frontex et numéro 3 de la liste du Rassemblement National. Sans surprise, et quelques heures après le vote au Parlement européen approuvant le Pacte asile et migration, la discussion a principalement tourné autour des questions de migrations et du bilan de Frontex, marqué ces dernières années par la crise humanitaire sévissant en méditerranée. Valérie Hayer, de son côté, continue de faire du sujet de l’immigration un de ses principaux arguments de campagne, étant la seule candidate à soutenir le Pacte. La place centrale de la question de l’immigration au sein de la campagne électorale en cours devrait pourtant interroger : selon un sondage Eurobaromètre de mars 2024, la question de l’immigration n’arrive qu’en septième position dans le classement des priorités des européens, loin derrière les questions de pouvoir d’achat, d’emploi, d’inflation ou de santé. 

Ursula von der Leyen lance (enfin) sa campagne électorale : l’actuelle Présidente de la Commission Européenne, candidate à sa propre réélection, a choisi l’anniversaire des 50 ans du parti membre du PPE Nouvelle Démocratie pour présenter son programme, axé sur le combat contre l’extrême droite et les “amis de Poutine”. Depuis Athène, von der Leyen a appelé à un renforcement de la coopération européenne en matière de défense, et à un renforcement de la compétitivité européenne. En termes de prochaines étapes, la Présidente devra mener une campagne périlleuse de soutien aux partis membres du PPE à travers l’Europe, tout en renforçant ses relations avec les gouvernements des Etats membres afin de sécuriser sa réélection. 

La personnalité de la semaine

Focus sur ces hommes et ces femmes, encore trop méconnus, qui ont participé à la construction de l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui. 

Alcide de Gasperi : comme de nombreux “Pères de l’Europe”, ce chrétien-démocrate naît dans un État qui n’existera plus à sa mort, l’Autriche-Hongrie. Défenseur d’une reconnaissance de la minorité italienne au sein de l’Empire en tant que membre du Parlement austro-hongrois, il change de nationalité en 1919 lorsque sa région natale, le Trentin, est rattachée à l’Italie suite à la Première Guerre mondiale. Il y continuera son engagement en politique en devenant à nouveau député, et s'il soutint initialement la participation de son parti politique au sein du gouvernement Mussolini en 1922, il en deviendra un farouche opposant dès l’année suivante, avant de devenir en 1924 le secrétaire du groupe antifasciste. Après avoir été arrêté, puis relâché, il passera les années suivantes à exercer en tant que bibliothécaire en théorisant les fondements idéologiques de son futur parti politique, Démocratie Chrétienne. Après la Seconde Guerre Mondiale, il dirige huit gouvernements italiens entre 1945 et 1953, participant ainsi à la naissance de la République italienne.

Durant les années qui suivent la fin de la guerre, il conclut plusieurs accords avec les forces alliées pour faciliter la reprise économique de l’Italie, adhère à l’OTAN en 1948 et répond en 1950 à l’appel de Schumann. Il s’engagera dans les travaux de fondation de la CECA, et militera auprès des autres Etats membres pour la création à terme d’une fédération, non plus basée uniquement sur l’économie, mais touchant à tous les domaines de la société. L’année de sa mort, il devient Président de l’Assemblée Commune de la CECA, qui deviendra en 1957 le Parlement Européen.

Quelle voie faut-il choisir pour maintenir ce qu'il y a de noble et d'humain dans ces forces nationales, tout en les coordonnant vers un but de civilisation supranationale qui puisse les équilibrer, les résumer et les composer dans un courant irrésistible de progrès ? [...] Cela ne peut se faire qu'en réalisant un point de rencontre où ces expériences se confrontent, se sélectionnent et engendrent ainsi de nouvelles formes de vie commune, inspirées à une plus grande liberté et à une vie sociale plus juste.

Discours du 10 décembre 1951, Strasbourg

Le saviez vous ? 

Dans chaque édition, devenez incollable au Trivial Pursuit en retrouvant des faits insolites sur les Etats-Membres de l’Union. 

Danemark : le Royaume de Frédérik X est réputé pour être précurseur dans de nombreux domaines : en matière de social-démocratie, d’intégration des personnes handicapées, d’accès des femmes aux plus hautes fonctions, de lutte contre le harcèlement scolaire… mais également en matière de vexillophilie ! Le célèbre drapeau rouge à la croix blanche étendue jusqu’aux bords est le plus vieux du monde, ayant été créé selon la légende en 1219 et utilisé officiellement pour la première fois en 1625. 

Nos dernières publications

En début de semaine, nous avons souhaité interroger Valérie Hayer dans un nouvel épisode de Questions aux Politiques. Entre montée de l’extrême droite et sa stratégie pour contrer l'ascension de Jordan Bardella, la réforme du Pacte de Stabilité et le libre échange, ou encore la question migratoire sans oublier l’Ukraine, nous espérons que la candidate de la majorité présidentielle reviendra vite vers nous pour partager sa vision sur ces questions sensibles. 

Nous avons répété l’exercice ce vendredi, en envoyant nos questions cette fois à Raphaël Glücksmann, tête de liste de Place publique, lui donnant l’occasion de s’exprimer sur l’avenir de l’Union Européenne et le maintien de la Démocratie et de l’Etat de droit, mais également sur la Politique Agricole Commune ou encore sur son vote contre le Pacte Asile et Migration.


A propos

Les Voies est un mouvement progressiste citoyen fondé au printemps 2024 par Amandine Rogeon et Alexandra Laffitte. A l’approche des élections européennes de 2024 et en anticipation des élections présidentielles de 2027, Les Voies ambitionne d’insuffler un vent idéologique et programmatique nouveau grâce à une méthode innovante : la clause de la Nation la plus favorisée appliquée aux politiques publiques les plus progressistes adoptées par les Etats membres de l’Union européenne.

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